— fleur du mal (hebe)

âge & date de naissance — 34 ans, la jeunesse qui s'éclipse peu à peu des traits. difficile de lui imaginer tout un antan quand elle semble à peine bourgeonnée, naïve innocence éclatant comme un mensonge dans ses yeux fatigués. l'origine tient d'il y a bien longtemps de ça, un 3 mai 1395 alors que la nuit commençait à tomber sur le domaine eveanetos. une nuit rude et bruyante, les cris de douleur perçant le silence – au matin sa mère n’était plus, et elle avait pris sa place, le genre de blâme dont on ne s'absout pas. taurus selon les étoiles ; hédoniste déjà punie dès son premier souffle.

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origines — née et élevée à Pephka, elle avait fini par se convaincre qu'elle n'en partirait jamais, koressia comme un tombeau. sans doute qu'elle avait sous-estimé les tourments de l'avenir, se pensait prisonnière mais confortable dans cet endroit où ne semblaient pousser que les ennuis et la misère. après avoir guéri de sa blessure et de la perte de son enfant, si la guérison il était même possible, hebe s'était mise à errer à travers les villes, profitant des faveurs et de l'hospitalité pour trouver un chemin qui méritait d'être suivi. puis cette femme qu'elle considérait comme la moitié de son âme lui a montré la voie du culte, celle-là qu'elle a prise, sans réellement hésiter — tant qu'il y avait une destination, tant qu'il y avait un but. jamais elle n'est retournée où jadis elle se pensait prise au piège ; là-bas il n'y a plus ni eveanetos, ni cheval, et certainement plus d'espoir.

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domicile — autrefois c’était le domaine eveanetos qui l’abritait de ses bras chaleureux, une modeste petite terre de paysans sur laquelle on élevait moutons et chevaux, la terre ratissée par des mains abîmées. maintenant nichées au cœur de Phokis pour mieux regarder le royaume brûler quand le dernier domino tombera ; peintre aux airs de courtisane qui n'a pour seul but que de se faufiler jusque dans le cœur des puissants pour le noircir de l'intérieur, organe asséché, mort, à offrir à hécate comme offrande sacrée. elle ne parle jamais de la pauvreté qui l'a vue grandir, rendue secrète par les drachmes peu à peu gagnés — sa vie maintenant presque confortable, loin des chevaux, loin des moutons, loin de cette terre sur laquelle aucune verdure ne voulait mourir, encore moins naître. et à chaque coup de pinceau il lui semble qu'elle devient quelqu'un d'autre, sorceleuse sournoise, les cibles s'accumulant peu à peu dans sa ligne de mire.

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statut civil — mariée endeuillée, les entrailles comme le cœur dévorés par les flammes, n’en reste que des cendres et souvenir plus qu’amer. l’amant d’autrefois erre quelque part, elle ne sait où, rejeté par ce cœur qui avait trop perdu et qui craignait de perdre plus encore. l’union sacrée n’a jamais été effacée aux yeux des dieux, et les deux demeurent mari et femme, alors même que le souvenir de l’un s’effrite dans l’esprit de l’autre, les restes de leur enfant enterrés là où tout s'est arrêté — où tout a commencé. s'ils aiment encore, nul ne sait, mais hebe reste enchaînée à lui quoi qu'il arrive, punie par un mariage qu'elle pensait béni.

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activité — paysanne d'une autre vie, elle n’est désormais plus que le squelette de ce qu’elle fut un jour. une renaissance à travers la rage et l’ambition, faite espionne et lame des mains du culte, prête à tout pour parvenir à ses fins et honorer la titanide, la sauveuse, la divine. ses mains sales troquées contre un pinceau, loin des champs et du soleil qui ne pardonne pas — ici les oreilles traînent, les sourires arrachent, et le cœur garde tout, sournois. masquée sous les traits de peintre, elle fait mine d'aduler ces visages qui jamais ne lui ont inspiré une quelconque sympathie. à chaque peinture elle s'enfonce un peu plus dans les ténèbres, mais son esprit est ailleurs, à la recherche inlassable des pirates qui ont tué son enfant.

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réputation — élusive et insondable, aussi discrète que l’ombre – jamais il n’y a eu quoi que ce soit à dire sur sa présence, à peine palpable. elle observe sans dire mot, caresse la toile du bout de son pinceau, délie les langues ennuyées d’un bref sourire. la comédie est plus que convaincante, poupée qui compense l'ignorance d'une vie contre la flatterie la plus mesquine. s'insinue dans les esprits, y plante ses griffes pour ne plus qu'on l'y déloge ; c'est ce que veut le culte, après tout.

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allégeance — fut un temps elle faisait la sourde oreille, méprisante dans son silence, une vie de pauvreté jamais récompensée. la peau brûlée par le soleil, le père emporté par la fatigue. la brève illusion d'une famille était devenue la loyauté de son corps et de son âme — mais désormais elle se voue au culte pour les mauvaises raisons, voir le chaos prendre contrôle de l'horizon, une promesse de renouveau, justice tordue affamée de puissance. la puissance, elle n'en a que faire ; mais les sorceleurs sont les siens, famille de fortune, sa seule allégeance pour hécate, mère de tout. les yeux se parent de mensonges, elle qui voudrait voir le royaume brûler. sa seule maîtresse demeure la vengeance, chaude et rassurante comme une promesse, celle que personne d'autre ne lui a faite, faute de preuves.

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01 — il n'y avait que la pauvreté, jamais eu que la pauvreté. la poussière et la saleté incrustées sous les ongles, la fatigue pointant au creux des sourires qui se veulent rassurants. les miettes d'espoir à peine suffisantes pour faire taire la faim, des nuits entières à se peindre tout un monde. petite, hebe aidait aux champs, ratissait la terre, plongeait toujours plus profondément pour trouver une once de fertilité. son père, lui passait tout son temps auprès des chevaux, entraînés dès leur plus jeune âge pour en faire des champions d'arènes. et elle l'observait, de loin ; l'électricité palpable entre sa main et leur crinière, la tension qui entoure la confiance comme une protection. il connaissait le chemin jusqu'à leur cœur, pouvait leur demander l'univers avec la certitude qu'ils le lui donneraient, pauvres bêtes ignorantes de leur avenir dénué d'amour, épuisées par les courses et les coups de fouet. parfois elle les jalousait, l'un comme l'autre, somptueux chevaux qui lui volaient son père, accaparé par le soin et par l'effort, un dressage incessant qui ne se terminait qu'une fois la bête vendue. mais le père piètre négociateur, le pactole était toujours maigre et décevant, l'affaire malhonnête alors qu'on attelait ses chevaux aux plus beaux chars. et, fatalement, il n'y avait pas plus de réconfort à s'imaginer ceux-ci vainqueurs, couronnés d'admiration et de récompense — la fourrure suintante de sueur, chevaux blancs devenus vermeilles à la fière nuance du sang. ils ne faisaient pas long feu, sous les coups des compétiteurs, et en regardant les meilleurs coureurs s'effondrer au milieu de la piste de poussière, les os pointant à travers la chair déchirée, tendue par l'effort, hebe avait fini par comprendre qu'en ce monde il valait mieux une vie écourtée qu'un labeur éternel. la violence en guise de divertissement, l'épuisement comme seule occupation, doucement mais sûrement naissait un mépris sans fond pour les choses telles qu'elles étaient, décrétées, dirigées, laissées impunies par un royaume qui n'en avait que faire, tant qu'il en sortait vainqueur.

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02 — il était beau. irréel, tant il était doux, ami d'enfance devenu amant à mesure que l'innocence se perdait. un jour il fut temps de s'avouer vaincue, et c'est ce que hebe fit ; à coups d'aveux embarrassés et de regards fuyants, le péché s'en voyait réciproque, et pendant une brève, glorieuse petite seconde, hebe avait comme cru que tout serait désormais facile. tout semblait écrit d'avance : le mariage, la famille, et elle ne mit pas longtemps à se rendre en compte que la machine était en marche, à peine l'union véritable. ce qui germait en son sein lui promettait tant de choses, et en retour elle lui promettait doublement, l'amour inconditionnel la rendant presque folle. et un jour, la créature devint palpable, si fragile et si frêle, la peau douce mais sensible, le rire fou mais fébrile. un fils. un fils qui n'avait pas encore de nom, parce qu'ils ne parvenaient pas à s'entendre sur la question ; notre fils, qu'ils disaient donc en attendant l'épiphanie, les yeux irrémédiablement fixés sur ce qui était la création seule de leur affection. et chéri, qu'il était, le gosse, alors même qu'il ne savait ni marcher ni parler, qu'il n'avait ni nom ni pouvoir. et soudain, hebe se prenait à espérer — un avenir meilleur, pour eux trois, un soleil moins meurtrier, des sourires sincères que la fatigue ne pourrait pas briser. et pendant un temps, c'était vrai.

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03 — il était à peine né le fils — à peine assez gros pour remplir le creux des bras de sa mère, qui l'observait l'angoisse au fond des tripes, comme si elle s'attendait à ce qu'il ne lui arrive malheur au moment où elle détournerait les yeux. c'était prophétique, une crainte absurde et pourtant véridique, celle-là même qu'elle aurait dû écouter. juillet 1420, une nuit chaude comme un cauchemar en pleine fièvre ; elle aurait dû les entendre arriver avant même qu'ils ne s'approchent de la porte, ivres comme trois pêcheurs abandonnés à leur sort, quelque part en mer. c'étaient des pirates, évidemment que c'étaient des pirates. brutes, et cruels, et terrifiants, ne répondant plus de rien comme si l'alcool leur susurrait mille monstruosités au creux de l'oreille. au beau milieu de la nuit, alors que l'enfant dormait dans son berceau de fortune, les trois hommes rués sur elle comme pour lui voler sa chair. l'un d'eux n'a pas hésité une seconde avant de la traîner dehors, hors du foyer que les deux autres s'étaient mis à piller sans gêne, cette nuit où son mari était censé revenir d'un voyage qu'il n'avait même pas expliqué. les secondes meurtrières suspendues là, dans l'air, alors que sa joue plongée dans la poussière lui cachait presque la vue — des cris, ses cris, elle le sentait comme si c'étaient les siens — puis c'est elle qui crie, qui hurle de tous ses poumons quand elle comprend que cette nuit n'est pas de celles qui laissent la moindre chance. la fumée s'échappe de la maigre bâtisse comme un soupir, et elle se met à gémir, de haine comme de peur, parce que l'homme qui la tient en riant ne suffit pas à étouffer le silence, le silence glaçant et brutal qui la hante encore. puis les deux hommes se ruent en dehors, tous ses biens dans leurs mains, voleurs, pilleurs, tueurs. la main qui la maintenait au sol disparaît dans un souffle et elle se relève tant bien que mal, tend les bras comme pour appeler ce fils qui devrait pleurer, il devrait, pourquoi ne pleure-t-il pas ; puis les flammes éclatent comme la colère des dieux et, alors même qu'elle ouvre la bouche pour hurler de terreur, la lame glisse contre sa gorge.

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04 — de ces choses-là on ne se remet jamais vraiment. jamais complètement, jamais assez pour pouvoir scander guérison, pour pouvoir oublier. la nuit encore est gorgée de cauchemars denses et perpétuels, dans lesquels en boucle s'enchaînent les pleurs de son fils et les rires des pirates. puis le silence. plus un bruit, pas même les flammes crépitant dans la nuit, son esprit fabriquant du néant ces souvenirs qu'elle n'avait pas pu garder. abandonnée à même la poussière et le sable, inconsciente, le sang absorbé par cette terre stérile qui jamais n'avait voulu lui offrir quoi que ce soit. en un sens, c'est comme si c'était cette terre qui l'avait tuée, prisonnière de pephka jusqu'au dernier soupir. personne ne parlera des exploits du mari. de la force qu'il lui a fallu pour mettre pied à terre à quelques pas du domaine, pour se précipiter vers sa femme au lieu des flammes. pour le fils, il était trop tard — mais pour la femme, il restait encore un mince espoir, aussi fébrile qu'un premier matin de printemps. sa paume plaquée contre sa gorge, appuyant de toutes ses forces en hurlant à la mort. mais c'est le feu qui a fini par alerter les âmes les plus proches, un guérisseur, un peu d'eau pour noyer les flammes, de quoi porter ce corps inerte en lieu sûr. à son réveil elle pouvait à peine déglutir, moins encore déchirer le silence chagriné du cri inimitable d'une mère qui revient sans son enfant. qui revient, tout court.

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05 — culte, uc.

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la peintre — gosse pourtant dotée des doigts d'artiste, elle n'avait que peu l'occasion de s'en servir au domaine eveanetos. il y avait déjà trop à faire, jamais rien qui lui demande de puiser dans cette créativité qu'elle n'avait d'autre choix que de mettre de côté. ce n'est qu'à son adolescence qu'elle s'est mise à peindre sur les poteries d'argile avec le peu de matériaux et pigments qu'ils pouvaient s'offrir ou se faire de fortune. en XX, après avoir perdu son fils et rejoint le culte d'hécate, hebe s'est remise à écouter cette petite voix tue depuis si longtemps — et peu à peu, s'est surprise à peindre. elle vendait ses peintures pour avoir de quoi survivre sans devoir abuser de l'hospitalité de ceux qui voulaient bien le lui en donner. loin de tout, elle n'avait plus ni paysages familiers, ni mari, sa moitié abandonnée sans mot dire tandis qu'il dormait, après des mois de mutisme à son égard. à mesure que sa situation s'améliore et que ses peintures se font plus belles, hebe bénéficie d'un mode de vie qu'elle n'avait encore jamais pu toucher du doigt, un confort écoeurant qui lui donnerait presque honte si son modeste père était encore là. après quelques années à errer autour de campé pour profiter d'un apprentissage complet au sein du culte, maîtriser la sorcellerie, adopter leur mode de vie et de pensée, hebe est ensuite partie s'installer à phokis, et peu à peu s'est rapprochée de la capitale pour s'immiscer parmi la foule. désormais elle vit de ses portraits, peint ou dessine les plus riches pour faire d'une pierre deux coups — maintenir sa situation et initier un contact, figure de l'ombre qui n'est pas vraiment là, et pourtant bien assez pour servir ses intérêts.

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l'infertile — pendant longtemps, après la perte de son fils, hebe priait chaque matin et chaque soir que justice divine soit faite, que les dieux l'écoutent, qu'ils la comprennent, prennent pitié d'elle ou de ce qu'elle était devenue. une femme qui n'acceptait plus l'amour, de perdre de le voir volé et meurtri à nouveau, de peur de se perdre sans plus aucun espoir de pouvoir se retrouver un jour. elle qui n'avait jamais eu la chance de voir son fils grandir, qui n'avait même pas eu le temps de lui donner le nom qu'il méritait de porter, comme un symbole sacré, une litanie qu'elle se serait répétée inlassablement. oui, elle priait, et implorait, et les lèvres en sang de s'être mordue pour ne pas insulter ces dieux qui veillaient sur elle et qui auraient pu lui arracher bien plus encore. contre la mort des assassins de son nourrisson, elle promettait d'abandonner fertilité, elle qui n'avait jamais connu que terres stériles et désolantes. contre cette vengeance elle abandonnait l'espoir d'un jour nouveau, d'un autre fils dont l'amour viendrait panser ses plaies. difficile de dire si ce sont les dieux qui ont exaucé son souhait, puisque les coupables errent encore quelque part, impunis — mais depuis cette sombre période, aucun fruit ne peut plus grandir en elle, elle le sent. le corps aussi détruit que l'esprit, la destruction pure et simple de ce don de vie dont elle jouissait, peut-être comme une punition qu'elle s'infligeait sans vouloir l'admettre — de ne pas avoir pu le protéger plus que ça. de ne pas avoir suffi cette nuit-là, alors que les flammes léchaient la bâtisse, que les cris du fils éclataient comme de la foudre. plus aucune descendance à offrir, surtout pas à ce mari qu'elle ne pouvait plus regarder en face, coupable autant qu'accusatrice.

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